Et bien nous entrons de plein-pied dans la notion du conflit d’intérêt, bien plus courante qu’il n’y paraît en fait. Je n’aurais de cesse de le répéter, il nait du contrat d’entreprises une distinction existentielle, fondamentale, entre la société (entité vivante à part entière) et ses dirigeants dont le rôle est de la gérer en bon père de famille. Mais parfois, la société peut être amenée à statuer sur une décision pouvant offrir un avantage patrimonial à l’un de ses dirigeants. Comment ce dernier doit-il donc réagir afin de demeurer dans son bon droit ?
La définition du conflit d’intérêt.
Cette situation se produit lorsque l’un des administrateurs ou gérants a, directement ou indirectement, un intérêt de nature patrimoniale à une décision ou opération soumise à l’organe de gestion.
Chaque mot a son importance et j’ai volontairement mis en évidence les plus importants. Premièrement, l’intéressement peut être direct (il concerne le dirigeant personnellement) ou indirect (s’il devait concerner des proches ou amis).
Ensuite, il doit revêtir un caractère patrimonial et doit donc présenter une dimension économique d’enrichissement. Les intérêts purement moraux ou émotionnels sont donc exclus de cette définition !
Enfin, il doit s’agir d’une décision soumise à l’approbation de l’organe de gestion d’une société. Les décisions prises en Assemblée Générale ne sont donc pas concernées et il n’existe pas de procédure similaire entre associés.
Cette situation n’est en fait pas si rare. Illustrons-la par un simple exemple. L’organe de gestion d’une société est tenu de soumettre au vote la décision de recourir aux services informatiques, contre rémunération, cela va sans dire, proposés par la société unipersonnelle de l’un des actionnaires. Cet actionnaire pourrait bénéficier directement de l’avantage économique lié à cette décision, il est donc en conflit d’intérêt.
Toute décision ne respectant pas strictement cette procédure en règlement des conflits d’intérêt pourrait alors être frappée de nullité et les gérants incriminés pourraient même voir leur responsabilité engagée en raison de leur manque d’égard envers le droit des sociétés.
Que faut-il faire alors ?
Le cas classique : Le gérant d’une SPRL ayant tout pouvoir, individuellement.
Dans la plupart des sociétés, certains associés ne prennent pas part à un collège de gestion (ils sont reconnus comme passifs) et délèguent ces pouvoirs à un ou plusieurs gérants, qui peuvent agir distinctement. Si l’un de ces gérants se trouve en situation de conflit d’intérêt, il doit en informer les associés à l’occasion d’une Assemblée Générale Extraordinaire et la décision ne pourra être prise ou l’opération effectuée que par un mandataire désigné à cet effet.
Autre possibilité : la société a un collège de gestion
Les gérants ou administrateurs ont alors un pouvoir décisionnel collégial, ils ne peuvent agir que conjointement. Dans ce cas, le membre qui devrait constater un risque de conflit d’intérêt doit en informer les autres membres avant la délibération, par écrit de préférence, en motivant sa démarche et cette déclaration devra être reprise, mentionnée, dans le procès verbal ainsi que l’explication des raisons pour lesquelles le collège considère que l’opération demeure favorable à la société, nonobstant ledit conflit patrimonial. Le collège pourra alors prendre part au vote ainsi que le gérant concerné par le conflit d’intérêt sauf disposition statutaire plus sévère et il faudra informer l’éventuel commissaire aux comptes de cet épisode de la vie entrepreneuriale.
Une dernière pour la route : la société unipersonnelle est gérée par son unique associé
Le gérant-associé peut alors prendre la décision et réaliser les opérations contractuelles lui-même ce qui est assez logique puisqu’il serait bien en peine de prévenir d’autres associés étant l’unique actionnaire à moins de souffrir d’une certaine forme de dédoublement de la personnalité.
Il devra toutefois accomplir quelques petites formalités de communication à l’égard notamment du greffe du tribunal de commerce mais, comme toujours, il faut se méfier lorsque la mariée est trop belle.
En effet, le revers de la médaille est que le gérant sera responsable du préjudice éventuel pouvant résulter de cette décision si celle-ci de s’avérer préjudiciable à la société.