Rentrer sa déclaration avec quelques jours de retard est devenu un fait courant et pas seulement de la faute des professionnels de la fiscalité. En effet, pour ce faire, il faut maintenant utiliser les applications du SPF Finances, dont les interventions pour maintenance sont quasi hebdomadaires et dont les bugs sont réguliers et divers. Tout cela tombe au plus mal, parce que les clients viennent à la dernière minute avec leurs documents et qu’il faut alors tout rentrer massivement, ce qui crée évidemment un embouteillage sur les serveurs de l’administration.
Quelques exemples nous feront mieux comprendre
- Combien de fois le délai pour Tax-on-Web n’a-t-il pas été reporté, le dernier jour du délai, voire le suivant, parce que les serveurs étaient indisponibles ou tellement engorgés qu’il n’était pas possible de rentrer ses données dans un timing digne du 21è siècle et non des débuts de l’internet ?
- Biztax (Déclaration à l’impôt des sociétés): non seulement c’est lent, mais en outre, quand vous enregistrez des données, elles ne sont pas forcément prises en compte et la version que vous avez à l’écran ne correspond pas à celle envoyée au SPF Finances
- Belcotax : un must pour les novices en informatique. D’abord, il faut se faire enregistrer à la Sécurité Sociale, même si vous n’avez pas de personnel, alors que vous devez utiliser votre carte d’identité électronique ! Ensuite, comme il y a des bugs, le helpdesk du SPF Finances vous renvoie vers celui du SPF Sécurité Sociale. Autant dire que l’accueil est charmant et que votre interlocuteur ne met aucune bonne volonté à vous aider. In fine, on vous dit qu’on ne connaît pas Windows 8.1 et qu’il vous faudra donc bien vous débrouiller tout seul
- Pour Biztax encore, n’importe qui peut rentrer la déclaration ISoc. Pour les fiches 281, il faut passer par le SPF Sécurité Sociale d’abord. Pourquoi cette différence ?
- Pourquoi les fiches autres que les 281.50 doivent-elles être rentrées avant le 1er mars alors que pour les 281.50, on a jusqu’au 30.06 ?
- Pourquoi, alors qu’on a invité tout le monde à se passer de Windows XP pour cause d’arrêt de la maintenance par Microsoft, les administrations n’ont-elles pas toutes intégré les versions ultérieures dans leurs applications on line ? Pour en revenir au cas de Belcotax, il a fallu utiliser un ordinateur obsolète, tournant sous Windows XP, pour rentrer les fiches 281, éventuellement avec retard bien sûr, vu le temps déjà perdu
Un système d’amendes ? Plutôt un impôt déguisé !
Outre le fait que ce soit irritant, que cela fasse perdre beaucoup de temps, et que cela démontre qu’il n’y a aucune cohérence dans la gestion des applications informatiques on line du SPF Finances, il y a un autre problème : ce sont les amendes. Déclaration erronée, déclaration en retard, etc… ce sont les amendes qui pleuvent comme un orage. Dans le domaine de la tva, les amendes pour non-dépôt de la déclaration sont passées de 500 à 1.000 euros, et celles pour dépôt tardif de 25 à 100 euros par déclaration et par mois de retard.
Ces amendes se muent en un véritable impôt déguisé d’autant qu’elles sont aujourd’hui appliquées automatiquement. Un principe de bonne administration eut été d’adresser un premier rappel, sans conséquence, lorsque l’assujetti n’a pas respecté l’une ou l’autre de ses obligations. L’erreur est humaine, l’Administration semble avoir perdu le sens de cette notion. Cette pratique est d’autant plus choquante que l’assujetti est « un collecteur d’impôts non rémunéré par l’Etat » qui se fera, en outre, lourdement sanctionner au moindre écart de conduite. Comment motiver une vision entrepreneuriale dans notre pays dans ces conditions ?
Pour une fiduciaire, cela peut représenter des sommes importantes vu le cumul des problèmes sur un laps de temps limité. Pourtant, ce n’est pas la technologie qui est en cause : c’est la compétence et la manière dont les marchés publics sont menés. Vous avez déjà eu des problèmes avec votre e-banking ? ou avec Sofista de la Banque Nationale pour rentrer les comptes annuels ?
Jamais ! Cela fonctionne sans problème, les maintenances sont annoncées bien à l’avance et ne sont pas effectuées durant les heures où tout le monde travaille, et quand vous avez utilisé un système, vous vous y retrouvez facilement dans les autres, ce qui est loin d’être le cas dans les applications du SPF Finances, qui sont toutes différentes et non concertées.
Lorsque l’hôpital se moque de la charité !
Bref, il faudrait tout de même que le cabinet du Ministre des Finances prenne conscience que les professionnels de la fiscalité sont asphyxiés par les bugs à répétition des applications informatiques du SPF dont il a la charge et par les amendes qui pleuvent tant et plus quand la déclaration d’un contribuable ou d’un assujetti a été mal remplie ou avec retard. Qu’il comprenne aussi qu’il n’est nul besoin de rentrer des fiches fiscales pour la fin février alors que la date de la déclaration fiscale ne se situe pas avant la fin juin. Cela pouvait se concevoir dans un système papier, mais pas dans un système électronique. C’est d’autant plus fort qu’à l’époque du papier, on avait un mois de plus pour rentrer les fiches.
Nous n’avons pas rédigé cet article pour le plaisir de critiquer, mais parce que notre expérience personnelle et celle qui nous est transmise par nos clients nous obligent à tirer la sonnette d’alarme. Appliquer des sanctions nous semble justifié quand il y a infraction, mais quand le verbalisateur n’est même pas capable de fournir des outils qui fonctionnent correctement pour éviter les écueils, il y a un sérieux problème de bonne gouvernance.
Puissions-nous être entendus.